Alban Eilin

Au sortir de l'Hiver, l'équinoxe de Printemps (le "prim' temps" - le premier temps de l'année) est une fête joyeuse ! Rituellement, les Celtes plantaient à cette occasion le trèfle, qui était autrefois médicinal et soignait les chagrins… Il est temps, pour ce nouveau tour de Roue -et afin qu'elle devienne bien une Spirale- de laisser derrière soi le passé, et d'accueillir le Nouveau !


Aujourd'hui, si le Lepraunch irlandais le tient si fièrement à la main, à l'occasion de la Saint-Patrick, c'est que le trèfle à quatre feuilles est un symbole très ancien chez les Celtes. Il symbolisait notamment la partition de la société en quatre classes : la classe sacerdotale, la classe de l'administration civile & militaire, la classe de l'industrie et celle des agriculteurs. Et à chacune d'elle, était attribué un secteur d'activité : le savoir et l'enseignement, l'administration et la défense, la matière minérale et sa transformation, le végétal & l'animal.

La classe sacerdotale, composée elle-même de quatre catégories, était une miniature de la société. On commençait par y être Disciple : celui qui apprend. Puis on se spécialisait : on devenait Barde, si on était plus porté sur les arts (et la communication) et Ovate, si on était plus porté sur les sciences (et la santé). Enfin, après bien des années d'études et de pratiques, on devenait Druide - un Homme-Arbre, chargé notamment de mener les rituels calendaires -qui fédèrent la société- ainsi que les rituels rythmant la vie des familles (naissance, fiançailles, mariage et mort).

La classe des administrateurs présente une certaine analogie avec l'état de Barde et d'ailleurs chaque noble avait son "Barde de Cour", qui tenait lieu de poète officiel et d'historien. Le Barde devait savoir jouer avec les émotions : réveiller les gens apathiques, canaliser une colère, faire sourire les moroses, susciter l'enthousiasme pour les projets du prince… Mais l'essentiel de son travail consistait à relater les hauts-faits & les belles histoires d'Amour afin de faire rêver à un à-venir meilleur. Le jour où une société n'est plus capable de poésie (du grec Poièsis, création), tout devient habitude et routine mortelle… Ce sont les beaux rêves auxquels on croit qui permettent de créer un avenir qui en vaut la peine !

La classe de l'industrie (des techniciens, artisans et autres marchands) présente quant à elle, une certaine analogie avec l'état d'Ovate, dans leur aptitude à transformer les matières premières et à échanger les produits ainsi manufacturés… Les constructeurs, les forgerons, les potiers et les verriers illustrent particulièrement bien ce type de fonction. Le mot "industrie" n'est pas à entendre au sens tristement célèbre aujourd'hui, de machinisme étouffant ; les maîtres du Feu qui transformaient les minerais de métal en outils & en armes, les potiers et les verriers qui usaient des quatre éléments pour former des récipients & autres objets trans-lucides, ou encore les constructeurs qui armaient des navires, ont longtemps joui d'une considération particulière. La survivance de cette estime a d'ailleurs donné l'usage, du temps de la royauté, que même un noble pouvait exercer ces métiers, sans déchoir de sa noblesse. 

La classe des agriculteurs - cultivateurs & éleveurs - s'occupent des êtres vivants - végétaux & animaux - et contribue à entretenir la vie du Corps… Ils produisaient tout ce qui est indispensable à la nourriture et aux vêtements, ainsi qu'à leur acheminement. Ils veillaient aussi sur la forêt et pratiquaient l'art des potions en tout genre, à titre d'adjuvants pour une meilleure vie et d'engrais naturels, pour le sol. Ils connaissaient aussi bien les rythmes des saisons que les étapes soli-lunaires au sein de chaqu'une d'elle. Lorsque la Sapience (du ciel & de la terre) a commencé à être assimilée -non sans raison- à de la sorcellerie, elle s'est ainsi facilement dissimulée, pour perdurer, sous le vocable de "sagesse populaire" ; la Tradition ne disparaît jamais tout à fait, à qui sait regarder et écouter…


Pour la petite histoire, on retrouve par exemple les quatre classes de la société Celte, dissimulées dans les quatre couleurs de nos cartes à jouer - si populaires et ainsi, bien à l'abri. Non par leur graphisme, mais par les fondements traditionnels qui ont présidé à leur conception. On les retrouve également, de manière plus évidente, au sein des 56 arcanes mineurs du jeu de tarot, divisés en Bâton, Epée, Denier et Coupe.


Nous retrouvons nos agriculteurs avec les Deniers, qui représentent donc tout ce qui est nécessaire pour entretenir la vie (le corps), dont l'argent de nos jours. Cela concerne nos énergies et notre aptitude à créer. Nous retrouvons de même nos administrateurs et autres artistes avec les Coupes, qui représentent tous nos territoires (et leur gestion), du plus personnel (notre intime) au plus transpersonnel (nos appartenances), en passant par le Foyer. Cela concerne nos espaces et notre aptitude à aimer. Nous retrouvons aussi nos techniciens et autres savants avec les Epées, qui représentent tous les outils nécessaires pour garder notre liberté et notre intégrité, et dont le symbole le plus traditionnel est une arme - l'aptitude à combattre pour ses idées est précieuse, tout comme l'aptitude à garder une position est encore plus importante de nos jours, où les armes sont plus psychiques que physiques - . Nous retrouvons enfin nos prêtes et prêtresses avec les Bâtons - ou Flammes vivantes -, qui représentent la lumière et notre aptitude à connaître d'une part, la chaleur et notre aptitude à transmettre d'autre part. 


Comme le Cercle pointé qui apparaît au centre de ce trèfle à quatre feuilles, il est à noter que la répartition des quatre classes sociales dans le monde Celte n'est pas hiérarchique mais spatiale… ce qui est, au pas-sage, le fondement véritable de l'anarchie (à l'inverse de l'énarchie), du grec an-archê : sans prépondérance d'une partie sur le tout. L'anarchie n'avait donc pas le sens moderne de désordre (bien au contraire !) mais était l'état naturel de petits groupes autonomes qui s'assumaient et refusaient donc l'oppression des bandes militaro-pillardes... qui fondèrent Rome en tant qu'Urbs (en latin, la Ville par excellence !) en ce qui concerne l'Europe antique. Quant au point de rassemblement au centre des quatre folioles du trèfle ? Il s'agissait du Conseil du village, une institution qui fonctionne d'ailleurs toujours et cela depuis des millénaires, dans l'Inde rurale, sous le nom de panchayat.

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Continuons notre exploration du Trèfle (comme quoi, il y a de quoi digresser à partir d'une "simple"…) sur le principe, bien antique encore, que le microcosme est à l'image du macrocosme. Et si l'Homme était une société en miniature ? Quel seraient les quatre principes le composant, à l'image d'un très vieux symbole aussi, celui du Sphinx au visage humain, à l'avant-train de lion & à l'arrière-train de bœuf, et aux ailes d'aigle ? A l'image, plus tard, au fronton des églises, du Christ au sein d'une mandorle -d'une Graine- entouré par les quatre évangélistes canoniques (rien ne se perd, tout se transforme... et se transmet ! vous disait-on).


Pour les Anciens, le bœuf symbolisait les forces physiques, le lion les forces morales, l'aigle les forces intellectuelles ; l'ange pour sa part, était une force d'essence divine qui, concentrant les trois forces animales précédentes, en faisait une unité. En effet, si la volonté ne venait pas diriger et maîtriser les natures lymphatique, sanguine et nerveuse de l'Homme, ce dernier ne pourrait vraiment exister comme une tri-unité, c'est-à-dire comme une unité dominant une trinité -comme une conscience dominant trois inconscients…


Remarquons que cette constitution tripartite est inscrite dans notre corps physique même -depuis que la Vie a évolué vers le tétrapode- avec notre bassin que prolonge nos jambes, notre thorax que prolonge nos bras, et notre tête, qui couronne le tout. Nous développerons cela, une fois de l'autre côté de la Roue, à l'Automne, grâce à notre grand ami l'Arbre. Laissons avant, passer les Moissons... nous en sommes qu'aux Semailles

En tout cas, nous voyons maintenant apparaître le 3, ce qui explique peut-être le passage, au Moyen-Âge, vers une société divisée cette fois, en trois Ordres… Si le Clergé (et son corps-âme-esprit...) peut facilement s'assimiler à la classe sacerdotale et la Noblesse, à la classe des administrateurs civils et militaires, remarquons que le Tiers-Etat a fusionné les classes des techniciens, artisans et marchands d'une part, avec celle des agriculteurs d'autre part. "Ceux qui travaillent" sont au cœur de la société de l'Ancien Régime puisque sans eux, comment "Ceux qui prient" et "Ceux qui combattent" auraient pu survivre, tant qu'ils étaient occupés à Être & Avoir ? Il fallait bien que 80% de la société soit occupé à Faire !

Concentrons-nous juste un instant sur ce "Fer", au sein du noyau de notre Sphère. Là où s'est opérée au Moyen-Âge cette fusion au sein de la société, entre la classe des agriculteurs (qui s'occupait des matières premières) et celle des artisans (qui s'occupait de les transformer, dans l'objectif d'obtenir un produit raffiné…) Une symbolique on ne peut plus universelle ! Celle qui fait passer d'une pierre brute à une pierre taillée puis polie (des Hommes des cavernes à nos amis les Maçons, il n'y a qu'un pas !) ou encore celle qui fait passer la chenille à l'état de papillon -des étoiles (salut Bernard, pour les connaisseurs) ; autrement dit, la symbolique des Métamorphoses - coucou Ovide ! Faisons alors le lien - osé - avec un certain ovidé, j'ai cité la brebis. Vous me direz "elle ne manque pas d'air cette Ariane !" avec son fil (de laine) qui tisse ainsi cette tapisserie, reliée par le sens davantage que par la cause... Oui mais elle était trop belle celle-là : la brebis enfantant l'Agneau (pascal) avec le Bélier (qui ouvre astrologiquement le Printemps.) Evoquons également le Lièvre celtique et ses œufs (de Pâques), sans compter le mythique Dragon, que les Celtes préférèrent au Bélier pour symboliser l'arrivée du Printemps. Et nous voilà passer, après le Trèfle, dans le monde animal… le point commun restant -à la Croisée des Mondes- l'Homme (cet Arbre Animé -peut-être celui que perce-voit notre ami Lazare, une fois guéri par le Christ ?-) la Société -ses mythes et ses symboles- la Nature & ses transformations cycliques.


Commençons par le Dragon, cet être mythique -mais que l'on retrouve quand même sur le drapeau officiel d'une nation : le Pays de Galles- et qui incarne un Paradoxe… celui d'unir, en sa nature, un être rampant et un être volant (autrement dit la reptation & la volition ? ah non, la volition c'est autre chose !) En tout cas, regardons bien et constatons qu'un dragon, c'est quand même avant tout un reptile -avec des ailes certes- mais un reptile tout de même ! Nous serions même tenté de dire, un serpent (ce dernier ne conserve-t-il d'ailleurs pas le souvenir de ses pattes, aujourd'hui encore ?) D'un Serpent avec des Ailes donc... une idée qui plairait bien à Hermès n'est-ce pas ?


Si tant est qu'ils sont deux à s'enrouler autour du Caducée, peut-être un rapport avec les Dragons rouge et blanc sous la Tour du roi Vertigier, dans le mythe du Graal ? Galaad ne dirait sûrement pas le contraire, mais qu'en serait-il du Galiléen, qui à 33 ans, ascensionna au Ciel ? Tant de questions qui tournent dans notre crâne (celui du Golgotha ?) et me revient à l'esprit cette phrase que la légende attribue à l'italien Galilée..: "et pourtant elle tourne" aurait-il marmonné en 1633, forcé par l'Inquisition, à abjurer sa théorie. Heureusement qu'il n'avait pas évoqué alors, la Kundalini des Hindous ! C'est le bûcher, qui l'aurait alors probablement attendu. Sorcellerie ! Revenons cependant sur le plancher des vaches, des serpents devrais-je dire, et remarquons qu'un serpent justement, cela fait "peau neuve", pour grandir. Tout à fait à propos au Printemps (c'est quand même le thème de cet article) qui, rappelons-le, est l'occasion de laisser derrière soi "l'année" écoulée et d'accueillir le Nouveau. Celui-ci, ce Regard-Sentiment-Pensée sans cesse original n'est cependant jamais définitivement acquis, à l'image peut-être, des mues successives qui s'effectue tout au long de la croissance du serpent. C'est une "Formation tout au long de la vie" dirait les Sciences de l'éducation ! Tout arrêt au sein d'une Oasis, doit ainsi rester une étape sur la Route du Sel, au risque sinon de s'enliser et d'arrêter le Voyage vers la Terre promise (à quoi vous êtes-vous promis ?) Cette Quête est donc un processus continuel de Trans-formations, à l'image, encore une fois, de la Nature finalement...


Puisque nous en arrivons au Désert, continuons maintenant avec l'Agneau, deuxième animal que le Printemps nous évoque. Remarquons déjà qu'il a la cote (sans mauvais jeu de mots...) dans les trois religions monothéistes ! Dans le judaïsme, il évoque la Pâque ou Pessa'h, lorsqu'il est demandé aux Juifs, par l'intermédiaire de Moïse (ou serait-ce Merlin ?) d'en prendre le sang pour en recouvrir le tour des portes de leurs maisons (se protégeant ainsi, lors de la 10ème Plaie, de la colère divine). Dans le christianisme, il évoque directement le Christ lui-même, en tant que Sacrifié - sur l'autel de la bêtise humaine sûrement. Dans l'islam enfin, il commémore notamment le sacrifice demandé à Abraham, celui de son fils rien que ça. Rien de bien réjouissant me direz-vous... mais peut-être avons-nous noirci le trait ? Le mythe biblique -comme tout Mythe- possède en réalité ses codes -ses Symboles- et la Qabale alchimique en est le décodeur. Nous y reviendrons avec Pessah...

En tout cas, un agneau, pour en revenir à des choses plus terre à terre, c'est d'abord et pour commencer, la progéniture de notre ovidé national -c'est-à-dire finalement, la perpétuation de la Vie- et puis c'est juste siiii mignon !


Oulala, passons vite au Lièvre celtique, troisième animal que le Printemps nous évoque et à l'origine de notre lapin de Pâques (chrétienne, cette fois !) Vous êtes-vous déjà demandé, à ce propos, ce que vient faire à cette occasion (la commémoration de la Passion du Christ pour rappel) un lapin qui cache des œufs en chocolat dans votre jardin ou autre tiroir ? Pour comprendre cela, il faut encore une fois se souvenir que la Tradition continue toujours son petit bonhomme de chemin, quelle que soit la culture dominante, au fil des millénaires... Au temps des Celtes, le lièvre était l'animal de la Déesse-Mère, soit de la Terre (pour les Germains, il s'agissait de la déesse de l'Aube ou de l'Est). Lors de l'équinoxe de Printemps, on célébrait ainsi, à l'aide de ce symbole, la Renaissance de la Nature, après sa mort apparente en Hiver (...Coucou Jésus !) C'est donc le renouvellement de la Vie, via la symbolique de la lumière solaire qui reprend le dessus sur l'obscurité, et via la symbolique de la Nature qui se refertilise, qui sont fêtés à l'équinoxe. Et l'Œuf dans tout cela ? Il s'agit de la symbolique de l'œuf cosmique, représenté comme le Germe de l'Univers tandis que son éclosion se rapporte à sa naissance. Sans compter le Soleil qui réapparait à l'horizon pour l'occasion, Dali ne dirait pas le contraire non plus !


Puisqu'un germe pointe le bout de son nez, il est maintenant le temps de boucler cet article, en évoquant pour finir : les graines. C'est que le Printemps, c'est le temps des Semailles, disions-nous en en-tête de tous ces détours... ou de cet essaimage en règle, au choix ! En tout cas, nous en arrivons à la symbolique du 1 et du O (principe du langage binaire il me semble), après être passé par le 4 et le principe de l'Anarchie, le 3 et ses histoires d'être, d'avoir et de faire (à transformer en Or) et enfin le 2, avec notre volatile rampant qu'est l'Homme-Arbre, bonjour le paradoxe ! La Graine donc, cette unité qui renferme tout un Potentiel aérien, si tant est qu'on la plante en Terre... Si tant est qu'on passe de l'Intention à l'Action, pour revenir à l'Homme, cela pour obtenir un Arbre après plusieurs tours de Roue (de l'année). Un arbre fruitier tant qu'à Faire, un Arbre de Vie, tant qu'à Être. Un Arbre qui se renouvellera chaque année -chaque matin- si tant est qu'il apprenne à laisser mourir l'ancien pour renaître continuellement ; pour élargir son feuillage et capter ainsi, toujours davantage de Lumière -une spirale plutôt qu'un cercle- et qui tel un Vase (un Graal ?) pourrait contenir toujours davantage, plus il se remplit. Mais attention de quoi il se remplit... un verrier ne cherche-t-il pas, pour son récipient, qu'il laisse passer la lumière ? Et si l'arbre capte la lumière pour fabriquer de la matière vivante, cette dernière ne pourrait-elle pas, en retour, se transformer en Lumière -des étoiles ? Tel est peut-être le chemin (de Compostela) que trace devant nous le Printemps... tel le ferait un Bélier pour le troupeau humain. Il semblerait bien en tout cas que notre Culture -à travers le temps & l'espace- nous parle que de ça -s'appuyant depuis toujours, sur la Nature. Enfin, tout dépend comment notre conscience assemble le Monde, sûrement.


Pour conclure, en ces temps de Crise écologique majeure (mais est-elle seulement écologique, cette crise ?) faisons peut-être en sorte, en commençant par soi-même (le Printemps concerne le 1) d'incarner le sens étymologique de ce mot "crise", c'est-à-dire de faire un choix - renouvelé chaque matin. Ce choix ne peut être que personnel (et nous l'espérons, original) mais n'oublions pas, comme nous le rappelle l'écologie justement, que nous sommes tous sur la même Sphère et que tout y est en interrelation... Que la Graine (le Potentiel) que nous sommes tous en essence, germe, pousse (s'ex-prime) et s'épanouisse (AIME, enfin) et alors la Terre reverdira, d'un Printemps que nous ne connaissons pas encore mais qui recouvrera, comme à son habitude, la Terre de son abondance sans condition... Il est temps, "les arbres meurent", s'inquiétait un Ami, cet hiver. Incarnons-nous ! Perçons notre bulle auto-contemplative ! Tournons nos yeux vers l'extérieur, comprenne qui pourra...

Toujours est-il, nous avons osé Rêver ici, comme peut le faire un Enfant, sans se préoccuper d'un soucis trop appuyé de réalisme, qui trop souvent s'accompagne de tant de cynisme... Cela ne veut pas dire que l'on doive faire l'impasse sur le pragmatisme, mais une graine doute-t-elle de l'Arbre qu'elle peut devenir ? Haut-les-cœurs ! Dansons, géants ! Guérissons (en riant) la Terre ! Et confiance, le Vent nous portera.....

Tau Sextus Julius Africanus

Imbolc


En ce jour d'Imbolc, un cercle druidique nous propose cette méditation guidée...

Vous êtes debout à l'orée d'une forêt. Après trois grandes et profondes respirations, vous décidez de faire quelques pas pour pénétrer dans le bois. La végétation y est dense, les branches et brindilles sont prises dans la glace, formant ça et là quelques stalactites. Il se peut même qu'il pleuve d'une pluie légère mais très froide, et que quelques flaques soient gelées et glissantes. La lumière pénètre peu sous la canopée, et vous avez le sentiment d'avoir devant vous un espace impénétrable. 

Après quelques temps d'attente, vous entendez du bruit devant vous. Les bruits sont de plus en plus forts, jusqu'à ce que se présente à vous un Cerf majestueux. Il connaît parfaitement cette forêt et semble vous inviter à le suivre, ce que vous faites.

Vous voilà donc marchant dans les traces du Cerf, qui sait slalomer entre les arbres et les arbustes. Vous pénétrez ainsi de plus en plus profondément dans la forêt, toujours aussi dense, toujours aussi sombre. Vous vous apercevez que vous progressez en montant, comme si le centre de la forêt était une légère colline.

En marchant, vous ressentez les branches qui frottent contre vos épaules, qui se prennent un peu dans vos cheveux. Soyez attentifs à ce qui se passe autour de vous, et notez par exemple si vous apercevez ou entendez d'autres animaux.

Arrivé en haut de la colline, le Cerf se décale et libère un sentier devant vous qui, en quelques pas, vous conduit dans une vaste clairière au sol terreux mais stable. Le soleil y rayonne de toute sa puissance, et la pleine lumière baigne ces lieux.

Le centre de la clairière est occupé par un grand Feu, à côté duquel se trouve une fontaine d'où s'échappe un fin ruisseau qui s'enfonce dans la forêt. Ce Feu et cette fontaine sont gardés par neuf Femmes dont vous ne voyez pas les visages, huit sont vêtues de blanc et une est vêtue de couleur or. Celle-ci vous invite à approcher du centre de la clairière et vous vous retrouvez au bord du bassin. L'Eau y est claire et fraîche, et la surface du miroir d'Eau est régulièrement troublée soit pas une bulle remontant du fond du bassin, soit par une noisette tombant d'un des coudriers bordant la fontaine. Lorsqu'elle tombe dans l'Eau, la noisette est aussitôt happée par un Saumon.

Une des femmes en blanc passe derrière vous et commence à vous retirer délicatement vos vêtements. Vous êtes en confiance, vous vous laissez faire. Vous vous étonnez d'ailleurs de ne pas souffrir du froid malgré les rigueurs de l'hiver...

Nu, vous vous glissez doucement dans le bassin. Vous êtes saisi par l'Eau froide, mais sa température est largement supportable. Vous glissez dans cette Eau, au milieu des bulles et des Saumons qui longent votre corps en le caressant. Vous vous laissez encore glisser dans cette Eau, jusqu'à y plonger la tête. Votre corps entier est ainsi lavé par cette Eau particulière. Les Saumons, en frôlant votre peau, semblent aussi participer à ce nettoyage. Soudain, une noisette tombe dans le bassin et aucun Saumon ne s'en saisit. Elle flotte devant vous, et sur invitation de la Femme vêtue couleur or, vous prenez cette noisette et la mangez. Vous prenez le temps de la mâcher, et en la mâchant vous prenez le temps de découvrir sa texture et tous les parfums qui s'en échappent. Après l'avoir avalée, vous vous relevez et vous sortez du bassin en ayant le sentiment  d'être complètement lavé et revigoré. C'est comme une renaissance.

Une autre Femme en blanc vous invite cette fois à vous approcher du Feu. Vous sentez sur tout votre corps la douceur de sa chaleur et votre peau sèche rapidement. Vous sentez qu'en s'évaporant, l'Eau emmène avec elle les dernières scories de cet hiver. Vous sentez aussi que la chaleur et la lumière des flammes poursuivent l'œuvre de vivification initiée par l'Eau, et vous sentez cela agir au plus profond de vous-même. Vous vous tournez sur vous-même pour bien sécher l'intégralité de votre être.

Une troisième Femme en blanc vous apporte de nouveaux vêtements, que vous endossez tranquillement auprès du Feu. Elle vous apporte les anciens, qu'elle vous invite à jeter dans les flammes. En les regardant brûler, vous voyez également brûler tout ce qui, durant ce long et dur hiver, a entravé votre marche, vous a fait souffrir, tout ce sur quoi vous avez butté. Il se peut même que certains freins soient là depuis fort longtemps. Après avoir pris conscience de cet effet libératoire, vous prenez pour vous-même l'engagement de dépasser ces limitations et de poursuivre la route que vous vous tracez vous-même, et pour vous-même.

Après quelques instants de silence, vous prenez conscience d'être plus léger, plus libre, plus mobile, mais aussi plus ouvert aux expériences à venir et à la vie, aux temps qui sont devant vous. Vous comprenez alors que ce qui ralentît le plus votre marche, ce n'est pas tel objet ou confort qui vous manque ou tel autre, mais plutôt tout ce que vous possédez d'inutile et d'encombrant que vous emmenez avec vous, toujours et partout. Alors déposez-là ces bagages inutiles, surtout s'il s'agit de choses qui ne vous font pas du bien. Vous saluez les neuf Femmes.

Puis le Cerf vous appelle et vous comprenez qu'il est temps de quitter ce monde et de revenir au vôtre. Vous empruntez alors le chemin par lequel vous êtes arrivé, pénétrant à nouveau dans l'obscure et dense forêt. Vous avancez derrière le Cerf, toujours attentif.

Peu à peu vous sentez que vous redescendez la colline, les branches frôlant toujours vos épaules et vos cheveux. Vous descendez tranquillement, en suivant la trace que le Cerf ouvre devant vous.

Après quelques instants, vous commencez à reconnaître les lieux, jusqu'à ce que le Cerf marque une halte à l'endroit même où il était venu vous chercher. Après l'avoir salué et lui avoir exprimé votre gratitude, vous franchissez seul les quelques mètres qui vous font sortir de cette forêt.

Là, vous prenez quelques minutes pour intégrer au plus profond de vous-même l'expérience que vous venez de vivre.

la Chandeleur

Le 2 février, nous fêtons désormais la Chandeleur, fête chrétienne commémorant la présentation de Jésus au Temple - présentation de la Lumière aux nations - nous dit Syméon.

Cette date n'a pas été choisie au hasard par le Calendrier chrétien bien sûr, elle a lieu 40 jours après la Nativité, le nombre 40 signifiant que l'être est passé par une première matrice depuis Noël... la Graine a-t-elle germé ?

La commémoration de cette présentation au Temple, qui est un rite de purification en Israël, visait également à prendre la place des rites païens de purification réalisés vers ce moment de l'année ; chez les Celtes, il s'agissait de la célébration d'Imbolc.

Imbolc est une fête lunaire dans la Roue celtique de l'Année ; ainsi, à la différence des fêtes solsticiales et équinoxiales (dites "solaires"), elle n'a pas lieu à date fixe, mais dépend de la pleine lune de l'année en cours. Cela pour dire que ces fêtes "intermédiaires" (les trois autres sont Beltane, Lugnasad et Samhain), traditionnellement réservée à la classe sacerdotale, ont davantage à voir avec l'aspect énergétique, vibratoire de la réalité...

Au niveau de la Nature, c'est le moment de l'année où la sève des arbres se remet en mouvement, après la dormance de l'hiver... Processus invisible dans un premier temps, mais qui deviendra bien visible au Printemps...

Si la Galette que nous mangeons à l'Epiphanie rappelle la dimension solaire du Solstice d'hiver, les crêpes que nous dégustons à la Chandeleur rappellent donc quant à elles la dimension lunaire de cette présente Fête. C'est-à-dire une dimension plus intérieure.

Imbolc est la Fête de la Connaissance ; elle évoque la Quête du Graal.


Et cette Quête est avant tout Recherche, comme l'indique l'étymologie du terme Imbolc. Une recherche active de la Connaissance, à l'opposé d'une croyance passive au dogme. Il s'agit d'examiner attentivement les joyaux de la spiritualité, sentir s'ils éveillent quelque chose en soi... ou pas ! Expérimenter concrètement ces données afin d'en vérifier les effets sur soi et ainsi devenir un disciple de la Voie. Et les fruits issus de cette Pratique, font à terme du disciple un adepte, c'est-à-dire un être qui devient une incarnation de la Voie.

En parlant de fruit, c'est la Pomme qui est à l'honneur lors de cette Fête, peut-être parce qu'elle possède cette particularité, coupée en deux dans un sens, de présenter un sexe féminin (symbole de matrice de l'être), coupée en deux dans l'autre sens, de présenter une étoile à 5 branches (symbole de l'être réalisé).

Tout nous parle de Féminin en réalité lors d'Imbolc, de cette coupe du Graal qui est l'être en formation. Formation à la prêtrise universelle, cela afin de relier, dans la lignée de Melkitsedeq - prêtre du Graal - l'en-Haut et l'en-Bas ; formation qui passera par bien des mélanges et purifications...

Autrement dit, de devenir le canal translucide et passant de la Vibration !

Tau Sextus Julius Africanus

Religare


Bien que l'étymologie du terme religion soit incertaine, je retiendrai pour cet article le sens de relier qu'on lui accorde souvent aujourd'hui.

La responsabilité du Prêtre me semble être de relier la Terre et le Ciel

Encore faudrait-il s'entendre, à la fois sur ce qu'est cette Terre et ce Ciel, à la fois sur ce que signifie les relier pour le Prêtre !

Le terme "re-lier" (c'est-à-dire lier à nouveau) pose également question, puisqu'il sous-entendrait que cette liaison a été coupée...
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Pour commencer, dans la démarche gnostique, le Ciel et la Terre ne peuvent être considérés comme extérieurs à soi... C'est donc en lui -dans son corps- que le Prêtre va devoir faire la liaison.

Les termes "Ciel" et "Terre" renvoient par ailleurs à deux pôles symboliques bien connus des qabalistes et autres hermétistes : le Haut et le Bas.

Pris littéralement, ces deux termes renvoient donc au haut et au bas du corps humain. Autrement dit, il va s'agir de relier les pieds à la tête !


Annick de Souzenelle, dans son Symbolisme du Corps humain, a magistralement développé tout cela. 

Pour ma part, voici ce que cela m'évoque. Il me semble clair que pour comprendre ce qu'est la prêtrise - et donc pour être effectivement un pr-être - nous devons en passer par le symbolisme et la constitution occulte du corps humain.

Commençons par une représentation en 8 de l'être humain :


Je suis un esprit in-carné dans un corps... Au niveau du corps humain, l'esprit en question est symbolisé par la tête, le complexe cardio-pulmonaire et les bras (on y verrait presqu'un ange !) et le corps en question par les pieds, le complexe urogénital et les jambes.

Autrement dit, je suis un ange déchu dans un corps animal, corps animal qui me permet d'interagir avec le monde ici-bas.

Il manque cependant un troisième élément important pour que cela fonctionne, aussi important qu'est le conducteur dans un système électrique pour que la lumière soit... l'Âme !


Or, si je continue la métaphore électrique, l'âme peut soit être un bon conducteur donc, soit être un bon isolant ! D'où parfois ce sentiment de solitude... lorsque j'oublie qui je suis !

Le terme "âme" est cependant bien vague (...) Le grand symbole de la Qabale - l'Arbre séphirothique qui est aussi le Corps humain - pourrait peut-être nous aider à y voir plus clair.


Dans ce grand symbole, l'Âme est donc associée au "Monde de la Formation" encore appelé par les occultistes le "Monde Astral" (divisé en deux parties : le bas et le haut astral).

Au niveau de l'être humain, il s'agit de la psyché... avec son conscient et son "non encore" conscient... autrement dit avec la lumière de la conscience au-dessus des ténèbres psychosomatiques...

Avec son Me(n)tal aussi, et son cortège d'émotions notamment...

Ce Monde de la Formation est également associé à deux concepts majeurs qui nous renvoient à l'Alchimie : la Forge et le Tombeau.

La forge où l'on forgera l'épée, rectifiant ce qui doit l'être, les émotions étant un bon révélateur pour ce faire...

Le tombeau où l'on mourra, pour naître une seconde fois, voire même une troisième fois si l'hermétisme nous tente.

En attendant, j'ajouterai seulement ceci, cela afin de casser la représentation linéaire du haut et du bas : une autre représentation en cercles du Corps est possible !


Dans ce cas, le Prêtre s'efforcera, passant par la chair, de relier l'écorce des choses à leur noyau...

On y verrait presque un fruit, ce qui ne nous éloigne pas trop de l'arbre !

Tau Sextus Julius Africanus

l'Epiphanie

La fête chrétienne de l'Epiphanie célèbre la visite et l'hommage des 3 Rois mages au Verbe, venu s'incarner sur terre douze jours plus tôt, à Noël.

La coutume consiste à partager ce jour une "galette des rois", pâtisserie ronde et dorée contenant une fève.

Si l'on ajoute à cela le sens de "briller de manière éclatante" contenu dans le mot d'origine grecque epi-phainein, nous continuons donc dans la même symbolique solaire initiée avec la Nativité.

C'est-à-dire dans la très antique symbolique du rallongement de la durée de l'ensoleillement à partir du Solstice d'hiver (montée du Yang), jusqu'à celui d'été. Autrement dit, dans "la victoire de la lumière sur les ténèbres" et plus prosaïquement depuis la pratique de l'agriculture, dans la promesse de futures récoltes... 

Parfois, il est question des 12 Nuits saintes séparant la Noël de l'Epiphanie, 12 journées qui donneraient "le la" pour les 12 mois à venir.

Si l'on s'arrête cette fois sur le sens de "Manifestation de ce qui était caché" (la fève) contenu dans le grec ancien epiphaneia, il nous serait peut-être suggéré que "12 Nuits" séparent l'incarnation du Verbe de sa Manifestation...

Autrement dit, que le Germe divin (la fève, insistons) contenu dans l'âme est pour commencer un potentiel en chacun, mais que la manifestation de ce potentiel - sous la forme d'une lumière effectivement rayonnée - nécessite pour sa part un processus initiatique dans le Temps, dans la Matière.

C'est à ce rayonnement effectif (à cette manifestation publique) que le Mage vient rendre hommage...

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Notons qu'une épiphanie, dans son sens littéraire, consiste également en une prise de conscience - soudaine et éclairée - de l'essence profonde d'une chose pour l'individu. Autrement dit d'une compréhension silencieuse qui transcende le mental.

Ces épiphanies entraînent un nouveau mode de vie pour l'individu, plus adéquat avec l'état de conscience atteint. 

Et d'épiphanies en épiphanies, qui sait si finalement, un Soleil ne se mettrait pas à briller ?

Les murailles de Jéricho


YHVH dit à Josué: ‘Toi et tes hommes de guerre, marchez autour de la ville et faites-en une fois le tour. Faites ainsi chaque jour, pendant six jours. Prenez l’Arche avec vous. Sept prêtres marcheront en avant d’elle et sonneront du cor.’

‘Le septième jour, vous ferez sept fois le tour de la ville. Puis sonnez longuement du cor et faites pousser un formidable cri de guerre. Et les murailles s’écrouleront sur place!’

Pour approcher la symbolique de ce passage biblique, qui nous semble-t-il, évoque le Cœur et la Voie cardiaque, voici trois petits textes venus "par hasard" danser ensemble. 

Vers la Relation Intime... de soi à soi, de soi à l'autre... 

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- Maître, je suis maintenant devenu incroyablement fort, car j’ai construit une armure émotionnelle et sociale qu’aucune attaque ne peut entamer. Plus personne ne peut vraiment m’atteindre.

- Tu es donc devenu expert en stratégies de sauvegarde de ton ego. Tu as donc encore très peur.

- Mais il faut être fort tout de même dans ce monde !

- N'est pas fort celui qui s’entoure de ses remparts, mais celui qui les a détruits (de même qu'il a déposé ses carapaces et boucliers). Celui qui a entrepris la déconstruction des cachots où rampent ses vices, et des temples qu’il a bâtis pour ses vertus.

- Mais alors sans remparts, ni armure, nous devenons perméables à la malveillance des autres !

- Il n’y a pas réellement de malveillance, mais uniquement des blessures que chacun exprime, dont les peurs et la souffrance sont les symptômes. Aussi ce sont tes blessures, qui nécessitent la construction de remparts, qui auront pour principale conséquence de t’éviter la résolution de celles-ci.

Tu es devenu non seulement imperméable à ce que tu appelles malveillance et attaques, mais à tout ce dont ce cloisonnement égotique te prive : A la beauté de ta souffrance, et de tes peurs. A ta relation avec elles, et a ta capacité de leur sourire, de les accepter, et de t’aimer pour les transmuter. 

Stephan Schillinger
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Un cœur sans rempart

Il est si simple cet abandon, ce consentement: dire "oui " à ce qui est.

Il est si difficile.

Cet infime basculement intime.

C'est parfois l'épuisement qui nous fait déposer d'un coup le fardeau de nos refus. On sait soudain qu'on ne fera plus un seul pas avec cette colère sur le dos.

C'est parfois le désespoir qui nous donne le courage

d'enfin lâcher la corde qui nous torture au-dessus du sol.

Le désespoir qui nous accule à l'inconnu plutôt qu'à l'impasse de ce supplice.

Et, parfois, c'est l'éblouissement d'une Présence.

Il y a quelqu'un.

Il y a quelqu'un et d'un coup nous embrassons la vie tout entière... Il y a quelqu'un et d'un coup nous voyons qu'il n'y a aucune autre façon de l'embrasser, que tout entière, qu'on s'épuisait en vain à l'aimer par petits bouts.

De ces épousailles jaillissent des fleuves qui nous parcourent le coeur de part en part, riant de nos frontières, balayant nos peurs, inondant nos déserts.

Nous regardons et partout c'est de la vie.

Partout c'est l'aube.

Partout des commencements...

Marie Laure Choplin
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Ah, ce besoin d'être reconnu et respecté par les autres ! Ce besoin de prouver sa valeur, d'être aimé, admiré pour soi-même, d'avoir pleinement sa place... Ce sentiment, si courant dans le psychisme humain, a pour origine la séparation avec la Source de vie. La souffrance, généralement inconsciente, de se sentir "séparé" conduit à une insécurité qui génère de la peur. Cette peur devient le moteur des actes et des paroles sans bienveillance, dans un monde de "chacun pour soi", où l'amour est étranger. Derrière la plupart des actes de violence, que celle-ci soit physique ou verbale, se cache un sentiment de peur et d'insécurité, dans l'ignorance totale de l'aspiration de l'âme.
C'est cette peur profonde qui suscite en nous le besoin de prendre le pouvoir, d'être le plus fort, d'une façon ou d'une autre, afin que nul ne puisse nous nuire.

[...]

Ouvrir la porte au Serpent d'or pour qu'il puisse se redresser demande l'offrande de tout notre être à la force de vie, l'offrande de nos paquets de mémoire et de nos conditionnements, l'offrande de nos désirs, l'offrande de nos peurs, ainsi qu'une immense honnêteté vis-à-vis de ce qui nous anime et nous motive. C'est un choix sans cesse renouvelé qui nous amène à la découverte de nous-même, de nos fonctionnements intimes, pour transmuter le psychisme de l'ancien monde en amour, et pour que notre feu soit mis au service de la Vie.

Marie Elia

Modra Necht


… l’hiver s’installe, avec le froid voire le gel, et la neige. Les arbres ont tous ou presque perdu leur verdure, et leurs branches vides s’élancent vers le ciel comme autant de bras décharnés.

Les animaux sont tapis au fond des taillis ou emmitouflés dans leurs nids. On n’entend rien ou presque en forêt, juste le vent dans les branches… Mais certains ruisseaux peuvent sembler s’arrêter, fixés par le gel. Le givre peut s’agripper aux branches des arbres, et faire reluire de mille feux les quelques rayons de soleil qui parviennent à sortir de la grisaille. Le ciel est bas, le brouillard peut ne pas se lever, et la durée des jours est à son minimum.

Pourtant, alors que tout semble mort et désolé telle la Terre Gaste des récits arthuriens, en-dessous il se passe des choses… La vie, morte en apparence, a déjà repris dans le noir et le froid de la Terre. Elle n’est certes pas démonstrative, mais elle est bien présente. C’est par exemple elle qui force le germe à sortir de la graine et à commencer à s’élever vers la surface du sol. Qu’est-ce qui peut bien pousser cette graine à germer ? Qu’est-ce qui fait qu’à un moment donné ce germe la transperce comme une carapace dont on se libère ? Qu’est-ce qui fait que le germe va assurément évoluer vers la surface du sol ? La Tradition des Druides nous propose d’y répondre par l’existence de Nwyvre, la Force de Vie, l’impulsion première et divine qui relance chaque année le cycle de la vie et des existences. C’est avec cette Force que la Roue de l’Année nous invite à travailler, c’est avec elle qu’elle nous invite à bâtir nos existences comme la Nature bâtit ses arbre, fait grandir ses cerfs, façonne ses roches, …

Pour nous inciter à la confiance, la Nature nous a aussi laissé quelques traces de verdure, notamment avec le Lierre, le Houx, l’If et surtout le Gui. Ce dernier croît entre le Ciel et la Terre, procédant des deux sans être véritablement ni l’un ni l’autre. Sa verdure hivernale nous rappelle qu’en sous-œuvre la Vie est à l’ouvrage, même si la sève ne circule pas. Lorsque les Druides vont aller cueillir ce Gui et nous proposer d’en ramener à la maison, ils nous invitent à revenir dans nos foyers – voire en nous-même – avec ce message à la fois simple et puissant : « Egi an ed ! », le blé se lève…

Le Feu est à l’Œuvre dans la Terre, comme dans le Ciel avec la présence de la constellation du Fourneau, invocation de l’Athanor alchimique. C’est aussi le temps de Persée, et avec elle des Héros, qui tous ont vaincu la mort à leur manière. Ils nous invitent immanquablement à suivre leurs exemples.

Cette période est aussi un bon moment pour méditer et prendre conscience du fait qu’en réalité la mort qui est autour de nous n’est qu’une apparence, voire une illusion (d’ailleurs des bourgeons peuvent déjà se former). Nous comprenons que c’est juste une pause, un temps de préparation à l’éveil et à la renaissance. Et nous comprenons aussi que pour que cette renaissance soit la plus belle possible, alors nous avons tout intérêt à la vivre en pleine conscience et en nous débarrassant de nos erreurs passées. L’obscurité du solstice d’hiver est faite pour que nous puissions mieux percevoir la Lumière qui est en nous. En plus du silence, nous pouvons aussi expérimenter le sentiment de paix.

Druide Arouez – Kredenn Geltiek